Rencontre avec Mario Navarro

Mario Navarro

Rumporter : Mario Navarro, latino américain, de culture française, tu parles Russe et tu vis en Espagne, qui es-tu au fond ?

Mario Navarro : Je suis un citoyen du monde, une personne qui cherche le meilleur des différentes cultures. J’ai grandi en France et mûri en République Tchèque mais je me suis toujours considéré latino-américain, je suis très fier de mes racines (NDLR : Chili), de ma culture et de mes gens.

Vous avez une grande connaissance de l’ensemble du monde latino-américain, d’où vous vient cette curiosité pour ce continent ?

Quand on a vécu un peu partout on est un peu de nulle part, on n’a pas de repère. Ces repères j’ai dû aller les chercher. J’ai dû me les construire sur la base de ma culture latino. Les gens qui me connaissent comprennent bien que je ne suis pas un 100% chilien (sauf dans le look, un authentique Mapuche!), ni 100% caribéen ou meso-américain. Mon intérêt pour mon continent vient de ma volonté de me projeter comme un latino-américain. C’est pas toujours évident, mais si on s’intéresse à ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous différencie, alors, le chemin est plus facile.

On t’a connu chez Zacapa puis chez Botran, dans des rôles divers et variés, et désormais tu es à ton compte, mais toujours dans le rhum, peux-tu nous raconter ton histoire d’amour avec le rhum ?

Exact, après mon départ de chez Botran j´ai voulu rester dans le monde des rhums. J’aurais pu passer chez les whiskies ou même chez une vodka très en vogue … mais je n´ai pas pu. J´aurais eu l´impression de me trahir moi-même. Toutes les discussions que j’ai pu avoir avec mes amis de l´Industrie m’ont conforté dans ce choix de rester dans mon créneau, mon crédo. Donc, aujourd´hui je travaille sur plusieurs projets liés à différentes marques de rhums. J´ai pris en charge la vente de Diplomatico pour le canal duty free, marché dont il était absent, je travaille sur des designs de nouveaux produits pour Millonario (Rossi & Rossi), je cherche des nouvelles sources d’approvisionnement (distilleries) pour les Rum Nation (Rossi & Rossi aussi) et je vais bientôt lancer ma propre société de distribution en Espagne. Enfin, en automne, j´espère surprendre aussi avec un projet que j´ai sous le coude et qui fera beaucoup parler … Je vous l´assure.

Mario Navarro

Rumporter : Tu as fait un long passage par Zacapa et Botran les deux au sein des Industrias Licoreras de Guatemala, peux-tu nous faire un comparatif entre les deux ?

Les deux sont d’excellents rhums, les deux sont produits selon l´AOP «Rones de Guatemala» qui permet d’offrir des rhums très complexes, équilibrés et suaves. Je dirais que la différence est dans les fûts : Zacapa a un profil un peu plus doux grâce notamment aux fûts de Pedro Ximénez utilisés en finish (ndlr : et une édulcoration largement documentée et commenté par ailleurs ) alors que Botran a un profil un peu plus boisé et épicé car leurs rhums les plus vieux terminent dans des fûts de porto sec. Il y aussi l’aspect positionnement prix et image : Zacapa devrait rester un rhum ‘aspirationnel’, un rhum pour un événement plus particulier. Botran c’est un rhum pour se donner un petit plaisir tous les jours!

Lors des récents débat sur la (re)définition du rhum, on t’a vu parfois prendre partie contre certains préjugés à l’encontre des rhums de ‘style latin’, tu peux nous résumer ta position sur les questions soulevées par ces débats passionnés ?

Pour moi un rhum est une boisson spiritueuse issue de la canne à sucre ou des dérivés de la canne à sucre et dans mon ‘sac’ j’y rentre les rhums de mélasse et autres, les aguardientes et même certaines cachaças. Mais bon ceci est ma définition, maintenant il y a des règles imposées par les différentes autorités. Ces règles ne sont pas toujours les mêmes dans les Amériques et en Europe, il faut se renseigner.

Les discussions au sujet des rhums ‘style latino’ sont des discussions qui soulèvent beaucoup de passions et comme je me considère passionnel je suis content d’avoir pris part à ces discussions. Pour résumer un peu : quand on a visité des distilleries un peu partout en Amérique Latine, quand on a vu comment les rhums y sont produist, quand on a rencontré les gens qui sont derrière ces rhums il est difficile de rester muet face aux préjugés, très souvent erronés, que communiquent certains de mes collègues du monde du rhum ou certains bloggeurs ou “gurus” du rhum au sujet des rhums latinos. Je n´ai jamais aimé jouer avec le pain d´autres gens, donc je trouve triste que l´on joue avec le pain de ces gens que j´ai pu rencontrer au Guatémala, au Panamá, au Vénézuela ou au Pérou…

Certains de mes collègues du rhum ont parfois des attitudes sectaires presque fondamentaliste. De vrais talibans! Il faut laisser les gens choisir et si quelqu´un préfère un spiritueux plus doux ou plus sec, c´est son choix et personne ne devrait critiquer les choix. Je crois que ces dernières années nous sommes en train de vivre un MOMENTUM pour les rhums en général et pour les rhums latino en particulier. Cette nouvelle réalité semble en gêner certains… Alors pour se défendre beaucoup d´entre eux partent à l´attaque des rhums latinos. Je trouve ça bête. Si la catégorie des rhums en général grandit nous avons tous à y gagner.

Mario Navarro

Comment donc vois-tu évoluer le rhum au cours des 5 prochaines années ?

Je pense que les rhums standard vont maintenir les niveaux de vente d´aujourd´hui et peut être ici et là grandir un peu. Mais là où je vois un potentiel immense de croissance c´est au niveau des rhums de dégustation. Les niveaux de croissance sont fantastiques, déja aujourd´hui, mais je pense qu´on est encore très loin de tout le potentiel que nous avons dans le segment Premium et super Premium. Nos ventes à tous ont beaucoup grandi mais nous sommes encore très loin des ventes que font nos collègues des whiskeys, des malts ou même des cognacs. Il ya encore des millions de palais à séduire!

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